dimanche 18 mai 2014

Exercice d'écriture #9 : Exposer son linge sale en famille...

Ecrit après coup : Prendre n'importe quelle œuvre d'art du musée d'art moderne de Luxembourg et en faire le héros d'une histoire.



C'est une histoire à dormir debout, je vous assure. Certes moi je dors toujours debout mais cette histoire ne s'adresse pas à ceux de mon espèce, pour peu qu'ils savent lire.

Je vivais tranquillement mon existence de lave-linge dans cette maison sans histoire. Ce n'était pas l'extase, ils étaient toujours là pour me tailler un short ou me passer un savon mais je travaillais sans rechigner, bien que je faisais beaucoup de bruit à la tâche. Rien ne semblait devoir changer.

Pourtant, il y a une semaine, j'ai entendu mes propriétaires parler de ces toilettes qui étaient exposées dans un musée. Mon eau de javel n'a fait qu'un tour. Comment le plus laid des lieux de cette bicoque pouvait se retrouver exposé telle une œuvre d'art ? C'en était trop. Moi aussi je méritais d'être connu, d'être photographié. Pourquoi me rejetterait-on dans l'ombre, c'est parce que je suis blanc ?

Quoiqu'il en soit, je me suis concerté avec mon frère lave-vaisselle et mon voisin micro-ondes, qui partageaient mon avis. Je n'ai pas prévenu mon cousin sèche-linge, apparemment l'obscurité de la cave lui convient. Allez savoir, on a tous un attardé dans la famille. Nous avons patiemment attendu que les propriétaires partent en week-end pour que nous commencions notre épopée.

A partir de là, il s'agissait surtout de ne pas se faire remarquer. Le mieux était de sortir de nuit, où les quelques passants en général sont dans un état qui les permet de considérer comme normal que des machines puissent se déplacer. En même temps les humains ont été assez fous pour gober cette histoire de jouets animés dont ils ont fait deux suites. Ah ça, les jouets c'est mignon, mais nous qui leur mâchons le travail, on est tout de suite plus banals !

Après, tant que nous étions sur le trottoir, nous pouvions passer pour des retraités que l'on devait emmener vers leur dernière demeure. En voyant notre état encore bon, ces gens penseraient-ils peut-être à nous exposer. Mais non, il a fallu que l'on suive ces grille-pain qui se sont suicidés (puisqu'ils se sont grillés eux-mêmes), ces chaises en cuir qui nous narguent avec leur dossier aussi usés qu'un jean dans ma machine, et d'autres..

Nous voici maintenant jetés sans vergogne à la décharge. Deuxième tentative d'apparaître séduisants pour faire un défilé immobile. Il fallait que l'on nous repère vite sinon quoi le temps dans les deux sens du terme pouvait mettre à mal notre mission. Heureusement, un enfant qui accompagnait sa mère lui demanda pourquoi nous étions ici alors que nous n'étions pas écrasés, brûlés, fêlés... enfin hors service en gros. Elle se renseigna auprès d'un des gardiens (ce n'est pas comme ça qu'il est nommé ici mais pour nous c'est un gardien) si j'étais encore en marche, ce dernier répondant que si j'étais sur un trottoir, c'est qu'il y avait une raison. La dame lui proposa de m'essayer chez elle, et si j'étais en état de marche (évidemment pouffiasse, ai-je eu envie de répondre si je parlais l'Humain), de me ramener définitivement.

Ce qu'elle fit, avec mes deux compères. Retour à la case départ ? Non, pire : la femme voulait nous utiliser pour remplacer les anciens, là où le mari argua qu'ils étaient encore en marche et que nous devrions servir de pièce de rechange. Quel culot ! J'espère qu'il ne fait pas pareil avec les filles, à garder un modèle en réserve quand il trouvera le premier trop usé... Mais qui suis-je pour discuter de la logique des hommes : ils exposent de fichues et dégueulasses toilettes dans un musée !

Désormais, il fallait attendre. Encore. On avait appris à le faire. L'idée que nous puissions être abandonnés me faisait mal aux tambours. Soit l'un des appareils devait lâcher, soit l'un des deux devait avoir eu vent de ces fichus "water-closet" qui ont une bonne place. A moins que ce soit l'enfant qui en parle, après tout la vérité sort de leur bouche...

C'est ce qu'il s'est passé. Alors que les deux parents avaient repris leur discussion sur le besoin ou non de nous garder ici, leur garçon leur parla de ces toilettes et leur proposa de faire de même avec nous ! Nous mouillons rien qu'à cette idée moi et mon frère, le micro-ondes s'illumina de l'intérieur. Enfin nous allions pouvoir connaître cet honneur.

Les parents acquiescèrent. Ils se mirent à contacter tous les musées qui avaient cette lubie d'afficher tout et n'importe quoi dans leurs quatre murs. Certains leur rirent au nez, d'autres n'étaient pas intéressés. Ils avaient sans doute d'autres œuvres d'art plus appropriées, genre une poubelle, un radio-réveil ou un godemiché. Non, vous ne voulez pas savoir à quoi ça sert pour ceux qui se demandent...

Un établissement leur répondit favorablement. Du moins c'est ce que nous avions compris. Car si nous furent bien embarqués jusque dans ce musée, nous n'étions pas exposés. Apparemment nous étions sur liste d'attente, faute de place ! Mais bien sûr ! C'est pas grave, nous savons tout laver, les affronts compris. Au moins nous étions pris en charge pour que nous soyons prêts le moment venu.

Ce jour arriva enfin. Bien que cela signifia qu'il fallait me séparer de mes deux compères. Je devais en faire le deuil. Je leur fis au-revoir avec ma porte mais je le fis si fort qu'ils se prirent un vent. Désormais une nouvelle vie m'attendait. Je passais devant ces toilettes, heureusement avec la cuvette baissée, elles n'allaient pas se mettre à nu non plus. Je trouvai finalement ma place sur une bonne pierre bien lisse, cela pouvait me servir de trône, sans allusion aux WC bien entendu. Une autre fut posée sur ma tête, il est vrai que j'avais souvent froid à cet endroit, personne ne voulait profiter de mes bonnes vibrations dans mon ancienne demeure.

On y ajouta des ustensiles que je ne pus identifier, la pierre était trop lourde pour que je puisse vérifier. A ma gauche, on posa du linge usagé avec des pelotes de fils, comme s'il y avait besoin d'illustrer pourquoi j'ai été crée. Pourquoi pas, heureusement qu'on n'a pas fait pareil avec les toilettes... Mais je n'avais plus à les jalouser, j'étais enfin devenu une œuvre d'art à mon tour, l'un des plus beaux lave-linge qui soit !

Je ne me rappelle plus trop de la suite de l'histoire, ma mémoire me fait défaut depuis que je suis exposé. Ce que je sais, c'est que j'étais installé dans ce pays à peine plus grand qu'un slip d'obèse nommé Luxembourg et son musée exposait de l'art moderne. J'ai souvent été la proie des photographes curieux de voir un appareil ménager ici, mais certains ne savent même pas se servir de mon espèce, si cela peut les éduquer...

Il paraît qu'on a même retranscrit mon histoire, mais qui serait assez fou pour mettre un lave-linge comme héros d'une histoire sérieusement ? Sur ce, je vous laisse, j'ai des admirateurs à satisfaire !

P.S : Non mon petit, tu ne peux pas me rentrer dedans. Que ce soit en tant que pièce de musée ou appareil actif. Si tu veux un lavage de cerveau, regarde NRJ12.

samedi 10 mai 2014

Exercice d'écriture #8 : La plume au coeur

Contrainte finale du semestre : Rédiger une nouvelle à chute qui contient un souvenir très important pour l'histoire. Celui-ci peut se situer n'importe où. 



 
"Marc se creuse la tête. Cela fait des heures que son calepin se remplit de notes diverses, écrites à la va-vite, gribouillées, barrées, reformulées, effacées, réécrites, corrigées... Mais aucune de ces inscriptions ne lui conviennent.

Il a pourtant tout essayé : une plongée dans l'époque romaine, une pièce de théâtre sur des étudiants qui entrent de plein-pied dans l'âge adulte, un entretien avec un homme politique, une épopée confrontant des dinosaures ninjas contre des pandas adeptes du kung-fu... Il a même envisagé de traiter d'une histoire avec un homme fabriqué de toutes pièces avec des paires de ciseaux géantes à la place des mains, mais l'idée avait déjà été prise, paraît-il...

Le voilà entré dans l'angoisse existentielle de tout – aspirant – écrivain : la page blanche. Les siennes étaient pourtant tâchées de bleu, rouge ou noir selon le stylo choisi. Il n'osait pas aller au bout de ses idées. Par manque d'inspiration, de connaissances, mais aussi de culot. La seule idée qu'il se sentait capable de développer sur le moment, c'est ce par quoi il passait à cet instant. Mais parler de lui par la plume ne lui plaisait guère. De plus, il n'était pas convaincu qu'une introspection d'un citoyen lambda devant son incapacité à écrire une histoire cohérente de bout en bout soit très passionnant à suivre, y compris pour un psychologue.

Un long soupir plus tard, une page se retrouvait transformée en boulette de papier et déménageait de son bloc-note à la poubelle, pour ressusciter quelques jours plus tard, car tels les chats, les déchets recyclables ont plusieurs vies, au contraire d'êtres humains comme Marc. Il ressassait son idée de conter les tribulations d'un écrivain, mais il craignait de ne pas savoir la rendre intéressante, voire passionnante. Il est vrai qu'observer un homme sur sa chaise en train de serrer son stylo entre ses doigts et se tirer les cheveux à en devenir chauve n'est pas une situation que l'on associerait avec le terme "passionnant". Donc l'imaginer et le mettre en scène à l'écrit risque de ne pas l'être davantage.

Pourtant, Marc a toujours adoré écrire et s'est toujours réjoui des libertés que cet art peut lui offrir. Parler en rimes devient agréable et ordinaire, là où dans la vie de tous les jours, on se demanderait si la personne n'a pas abusé sur la farine festive. On peut raconter le décès d'une personne par un "excès de conneries" suite à une trop grosse consommation de programmes avilissants à la télévision. Ou relater n'importe quel meurtre sans pour autant passer pour un psychopathe, mais pour un génie du suspens, ou de l'épouvante. Marc fut même témoin d'un atelier d'écriture où il fallait raconter la vie d'un grain de blé. Vous n'imaginez pas tout ce que l'écriture peut faire pour vous...En comparaison, son histoire d'auteur ramant à aligner trois lignes cohérentes et captivantes à la fois sonnait déjà plus juste.

Et puis après tout, les lecteurs ne se sont-ils jamais demandé ce par quoi passaient leurs auteurs préférés avant de pondre leurs ouvrages ? Des livres qu'ils dévoraient sans aucun doute dix fois plus vite que les auteurs les écrivaient qui plus est. Pensent-ils vraiment que les Zola, Balzac, Rowling ou autres Beigbeder déballaient toute leur prose en une nuit ? Sans dire que les écrivains passaient par autant de tribulations que les personnages de leurs romans, certains avaient une vie bien remplie. Laquelle les aidait d'ailleurs - consciemment ou non - pour rendre leurs histoires plus piquantes, plus alambiquées. Maupassant aurait-il été si reconnu aujourd'hui et si talentueux sans sa
syphilis par exemple ? Et si la majorité connaît Rimbaud, combien savent qu'il a arrêté d'écrire à 20 ans, là où d'autres ont franchi le cap une génération plus tard ? 

 Marc se ressaisit. Vouloir apporter des éléments culturels c'est bien, mais il savait qu'en abuser le transformerait en rédacteur pour une encyclopédie participative. Il fallait rester centré. Continuer d'écrire sur un thème précis, un but avoué, un objectif concret. Il savait que ce n'était pas le talent qui lui manquait. En tout cas, un certain nombre de lecteurs privilégiés lui ont fait part de leurs compliments sur son travail. Mais ici, ces louanges ne suffisaient pas. La confiance est présente, mais insuffisamment pour mettre sous silence ses limites qui se posent telle une barrière devant lui. "Allez, est-ce que tous les écrivains avaient une confiance inébranlable en eux et en leurs capacités ?" s'interroge t-il. Si les rédacteurs imaginaient dès leur premier ouvrage ou article qu'ils étaient faits pour cela, c'est qu'ils n'avaient pas les yeux en face des trous. Le talent est inné mais il se travaille également, et Marc n'ignore pas cela.

Néanmoins, il commençait à trouver le temps long. Il pense toujours à son idée d'écrivain "tourmenté", et pose quelques idées sur papier à ce sujet, avec toujours la boule au ventre. Devait-il partir du début, à savoir comment cet écrivain a trouvé sa vocation ? Après, l'écriture lui permettait aussi de commencer son histoire à un autre moment, dans cet exercice, commencer par le début n'est pas une règle universelle. Le souci, c'est qu'en dehors du goût pour l'écriture, chacun n'a pas commencé pour les mêmes raisons, au même moment et dans les mêmes conditions. Et encore, Marc doute que les auteurs aiment ou aimaient tous écrire. Après tout certains exercent un métier par contrainte plus que par plaisir, et même dans l'écriture, des auteurs se sont forcés à continuer des histoires qu'ils souhaitaient finir. Ainsi un détective habitant Baker Street a été plus ou moins ressuscité par son auteur car les lecteurs s'y étaient tellement attaché alors que l'auteur désirait partir sur autre chose. La rançon de la gloire...

Marc n'en est évidemment pas là. Au commencement, il a le choix et un lectorat qui se limites à ses proches et quelques connaissances. Il pouvait donc savourer cela. Il revient à son sujet, et se met à chercher par où ont commencé certains écrivains, tout en comparant avec sa situation. Mais ses souvenirs d'enfance restent noyés dans la vague, enfin, dans le vague. Quelques efforts sont nécessaires, et quelques éléments surviennent.

Sensibilité. Harcèlement. Difficultés à parler. Souvenir d'un journal tenu à ses dix ans. Les émotions se transmettaient mieux par écrit. Les douleurs, les peines, les joies, les peurs... Marc ne nourrissait alors aucune ambition, n'était habité par aucune envie de concentrer une bonne partie de son temps là-dessus. A cet âge, on ne se pose pas encore la question ou bien quand on a une réponse, elle n'est que très rarement définitive, tant l'adolescence et le passage à la vie adulte bouleverse notre vision du Monde. Mais au moins avait-il eu ce réflexe d'écrire. L'idée du journal n'est pas nouvelle mais elle avait le mérite d'illustrer un désir, peut-être pas basé sur le long terme, mais réel. Puis sont venus les cours de français, la découverte de poèmes, de pièces de théâtre...

Inconsciemment, le désir de poser sur papier – puis plus tard sur écran – ses propres enchaînements de phrases s'est nourri. Et avec lui, l'envie d'en faire son métier, ou au pire, son principal loisir. A y réfléchir, s'il partait de son histoire, ce ne serait pas intéressant. Mais l'idée est là : la passion, l'envie, la détermination. Combinées avec un minimum de talent, une confiance bien dosée et un semblant de culot, et le résultat devrait être une nouvelle bien écrite et intéressante.

De la théorie à la pratique, il pouvait n'y avoir qu'un pas. Comme il pouvait y avoir un fossé aussi grand que les implants mammaires d'une bimbo écervelée. En tout cas Marc met concrètement son idée en application. Laisse son esprit fonctionner sans l'interrompre. Les ratures se font plus rares. Notre homme est cette fois bien lancé, tout en croisant les doigts pour que son histoire plaise.

Il y met quelques heures plus tard un point final. Satisfait, il s'étend sur sa chaise, s'étire les membres, et s'en va se nourrir avec un repas réparateur. Si la plume est plus forte que l'épée, si la sienne n'était pas la plus affûtée ou pointue, elle avait tout autant le droit de s'exprimer. Tel Zorro, en signant son œuvre".

Je pouvais être fier. Ce n'était pas grand chose, mais cette nouvelle a été publiée par un magazine. Avec l'écriture on peut quelque peu tricher avec la réalité. Mon père avait bien ce goût et ce talent pour l'écriture mais il n'a jamais osé aller jusqu'au bout de son rêve : être publié de son vivant. Une fois qu'il nous a quitté, j'ai retrouvé ce texte dans ses carnets parmi d'autres et je l'ai envoyé à toute publication susceptible de donner sa chance à un individu souhaitant partager son amour pour l'écriture. Aujourd'hui, son souhait a été exaucé.

vendredi 21 février 2014

Exercice d'écriture #7 : Au pied du mur

Contrainte du jour : Vous arrivez à pied dans un lieu inconnu. Vous entendez des bruits d'abord lointains, puis de plus en plus nets à force de s'approcher. Ils proviennent finalement de derrière un mur. Vous regardez derrière et vous voyez quelque chose...


Je marchais à l'aveuglette depuis quelques heures. En théorie, je devais me fatiguer au fil du temps mais plus j'avançais, plus j'éprouvais le besoin de continuer ma route. Parfois les arbres rétrécissaient le chemin et me poussaient à ralentir la cadence, mais je ne m'arrêtais pas pour autant. Il n'y avait rien de spécial à signaler.

Soudain, je me figea. Un souffle, presque un sifflement se fit entendre. Suffisamment léger pour ne pas être envahissant mais pas assez pour être inaudible. Intrigué, je repris ma route malgré l'aspect quelque peu entêtant de ce souffle. Cependant, il se faisait de plus en plus audible au fil de ma route. Je marchais au même rythme, mais le sol n'avait plus la même apparence.

Je le regardais. Il commençait à bouger, à se déplacer comme un tapis roulant d'un appareil de fitness. Il ne me poussait pourtant pas en arrière car je restais immobile. Je pouvais tourner la tête pour voir le chemin parcouru mais je ne pouvais plus rebrousser chemin.

Il me fallait donc avancer, malgré ce sifflement si agaçant, lequel était maintenant ponctué de rires et de bribes de conversations dont je ne saisissais un traître mot. Je reprenais ma route, lentement, me bouchant les oreilles pour trouver un silence réparateur mais le souffle n'était pas devenu inaudible pour autant. De plus avec mes mains prises, cela ralentissait encore plus mon allure, si bien que je finis par chuter.

Planté au milieu de nulle part, je me mis à pleurer, convaincu que j'allais rester bloqué ici à jamais. C'est alors qu'un souffle, sourd mais perceptible dans mon corps, me releva. Je me demandais comment, j'allais presque dire «
Ça ne sert à rien, je serai toujours ici », mais si je lançais cela, cette aide incongrue allait peut-être s'envoler. Alors j’avançai, au pas certes, mais j'avançai. Malgré le sifflement strident et les rires envahissants.

C'est alors qu'après plusieurs minutes d'efforts, ponctuées de deux ou trois chutes mais avec toujours ce vent salvateur pour me relever, je vis au loin un mur. Celui-ci prenait toute la largeur du chemin. Je me retrouvai devant cet amas de briques, alors que les rires étaient si fort que mes oreilles n'entendaient que cela, avec parfois des insultes proférées par hasard. Le souffle derrière moi continuait de me pousser, mais ce n'était pas suffisant pour briser ce mur.

Je le poussais sans grande conviction, avant de chercher à le contourner. Cependant, je pouvais partir vers la droite ou la gauche, le mur suivait le mouvement. Impossible de l'éviter. Et comme il était aussi haut que large, il semblait vraiment n'y avoir aucune issue. Pour ne rien arranger, l'air devenait plus rare, que ce soit dans l'atmosphère comme dans mes poumons.

Je m'entendais plus que les rires moqueurs et les reproches divers, je ne sais pas pourquoi je les entendais mais ils étaient présents. Ils semblaient venir de derrière ce mur. Je me retournais à nouveau, et je voyais tout ce que j'avais parcouru, comme si tout le chemin s'était posé à la verticale pour que je puisse l'observer en entier. Je ne voyais pas tout, du moins pas le début mais je constatai que j'ai bien avancé, même plus que je l'aurais cru, y compris lorsque j'avais ralenti.

D'un coup je me sentais pris en sandwich. Les rires étaient si forts qu'ils poussaient ma tête face aux arbres et autres ronces que j'ai évités sur mon chemin tandis que le fidèle souffle continuait à me diriger vers l'avant. Dans tout ce tiraillement, je me rendais soudainement compte que j'avais tellement avancé, malgré les obstacles. J'avais peur de rester bloqué, mais ironiquement, cette peur était devenu la cause principale de mon arrêt.

Dès que cette réflexion me traversa l'esprit, les rires et quolibets devenaient moins puissants. Je me retournai, et le mur était devenu moins sombre, jusqu'à être presque transparent. Je pouvais voir à travers, et je voyais la suite du chemin. Le souffle me poussa en avant et je traversai le mur comme s'il s'agissait d'une feuille de papier. J'arrivais à nouveau à respirer, je parvins à sourire.

Je n'avais plus envie de regarder en arrière. Je repris ma route, serein. C'était maintenant à moi de tracer le chemin.

dimanche 16 février 2014

Exercice d'écriture #6 : Un meurtre téléguidé...

Contrainte du jour par ce cher atelier d'écriture : raconter l'histoire d'un meurtre avec une phrase d'introduction et de conclusion données, en incluant un meurtrier, une victime, l'arme, le lieu et la scène du crime, ainsi que le mobile.
Première phrase : Il est six heures du soir, mon verre est à trois-quarts vide, et la nuit commence...
Dernière phrase : L'hiver serait long, il ne faisait que commencer.




"Il est six heures du soir, mon verre est à trois-quarts vide, et la nuit commence.. En tout cas, le jour décline de plus en plus. Ma vision fait de même, probablement une conséquence de l'alcool que je ne supporte pas particulièrement. Je lutte un temps pour ne pas tomber dans les bras de Morphée avant de rejoindre le pays des songes, en m'allongeant progressivement sur le canapé, le verre posé délicatement sur la table voisine.

Il faisait chaud. Je n'étais pourtant pas recouverte de vêtements épais, mais la sueur perlait sur mon front. J'essayais de l'essuyer, mais ma main n'attrapait pas la moindre goutte d'humidité. Je me sentais basculer. La tête en bas, je cherchais à comprendre ce qu'il m'arrivait. Mon canapé avait fait place à un lit d'hôpital. J'avais de plus en plus de mal à respirer, je tentais de hurler « Qu'est-ce qui m'arrive ?» mais seules mes lèvres ont réussi à l'exprimer, ma voix étant aux abonnées absentes. Je me retrouvais de nouveau couchée, et je voyais une assemblée de docteurs s’agglutinant tout autour de moi. L'un d'eux, noir, demande le diagnostic. Un autre, aux cheveux courts et bouclés, avec une barbe de trois jours et s'appuyant sur une canne lui répond « Encore une fois, c'est un lupus ! »

J'ouvre alors mes yeux, comprenant d'un seul coup que je venais de faire un rêve basé sur une série télévisée. Comme dans mon songe, une flopée de personnes entoure mon canapé. Dont une, allongée comme moi mais à même le sol, couché sur le ventre. A la différence qu'il s'agit d'un homme, et qu'il ne bouge pas, là où, de mon côté, je m'assois progressivement, tentant de comprendre ce qu'il s'était passé durant mon absence. Un homme, habillé en officier de police, me demande s'il s'agit de mon mari. Encore dans les vapes, je n'avais pas réalisé que la morphologie de cet homme m'évoquait Bruno. Le temps de lâcher un « Quoi ? » trahissant mon incompréhension, et un autre homme, muni de gants, pivote légèrement la tête de l'inconscient afin que je puisse faire mon propre diagnostic.

Cette fois, c'est un « Non ! » affolé et désespéré qui sort de ma glotte, et je ne peux que constater les dégâts : c'était bien Bruno, sans vie, allongé devant moi, les yeux et la bouche encore grand ouverts, comme si on lui avait appris qu'on avait gagné au Loto. Il avait en effet décroché le gros lot puisqu'il avait gagné sa place au Paradis avec des années d'avance. Perdu dans mes sanglots, j'ai à peine eu le réflexe d'écouter un autre policier demander au premier si mon « Non » voulait dire que ce n'était pas mon époux. Il me semble que la seule réponse de son interlocuteur fut un gros soupir suivi d'un regard noir qui pouvaient se traduire par un « Si tu continues d'être aussi stupide, il y aura un autre décès dans cet appartement ! ».

Le temps de me remettre de mes émotions, et la police se met à m'interroger. Ils me demandent ce que je faisais durant cette après-midi. Je leur réponds que je l'ai passée devant ma télévision – laquelle est restée allumée et devant laquelle se sont installés deux policiers – tout en essayant de continuer d'écrire ma nouvelle qui était au point mort depuis plusieurs jours. Puis, à un moment, je ressentais le besoin de m'hydrater, et pour une raison que j'ignore, je décidais de m'autoriser un verre de vin. Le même qui se trouve toujours sur la table, avec la même quantité d'alcool à l'intérieur. La suite consistait en un endormissement anticipé et une plongée dans la rivière des rêves incompréhensibles. Évidemment, comme j'ai fait mention de ma mauvaise tenue de l'alcool, l'un d'entre eux fait immédiatement le lien entre cela et le passage de mon mari de la terre aux cieux. Leur chef lui demande de ne pas se précipiter en conclusion hâtive, car en effet, après un premier check-up, ils ont pu constater qu'il n'y avait pas la moindre trace de sang, de coups, d'objets brisés – excepté mon cœur – et qu'il fallait donc une autopsie pour en savoir plus et comprendre ce qui a pu arriver à Bruno.

Compréhensif, et après avoir interrogé le voisinage qui n'a rien remarqué de suspect chez nous – chez moi désormais – l'officier en chef me dispensa de garde à vue en attendant l'autopsie. Personne ne semble comprendre comment Bruno en est arrivé là, moi comprise. Tout ce que je sais, c'est qu'il devait s'absenter quelques jours pour une expérience, mais si cela avait un lien avec sa disparition, comment serait-il parvenu à revenir chez nous pour finalement décéder à mes pieds ? Cela n'avait aucun sens. Éprouvant le besoin d'y voir plus clair, je mets la police au courant, laquelle orienta donc ses recherches par rapport à mon information.

Quelques jours plus tard, un coup de téléphone apporta toutes les réponses dont j'avais besoin :

«
Chère Madame Lampoule, après l'autopsie de votre mari, et après une enquête avancée sur ses activités, nous sommes en mesure de vous annoncer avec certitude ce qui a provoqué la perte de votre mari. En effet, ce dernier travaillait pour la chaîne de télévision NRJ12, et il a été nommé pour participer à une expérience sur le cerveau. Il s'agissait de regarder le plus d'émissions possible de cette chaîne et de tester au final l'effet de celles-ci. Le résultat est sans appel : votre époux a été victime d'une, ce que l'on appelle en terme scientifique, « Nabillale habitus ». Autrement dit, votre mari est le premier humain sur Terre à décéder à cause d'un excès de conneries. Nous voudrions savoir si pour l'enterrement de votre mari, il serait autorisé de marquer sur son épitaphe « Mort par excès d'émissions de télévision abrutissantes»... »

Je ne leur ai pas laissé le temps de finir leur explication puisque ma main prit le réflexe d'appuyer sur le bouton « raccrocher ». Consternée – en un seul mot – je n'avais même plus la force de pleurer. Je me contenta d'allumer cette foutue télévision, sans vérifier sur quelle chaîne elle s'était fixée. Il s'agissait d'un reportage sur les ateliers culturels que les facultés proposaient dans leur cursus. Dans celui d'écriture, le professeur imposait à ses élèves de commencer une histoire de meurtre par « Il est six heures du soir, mon verre est à trois-quarts vide, et la nuit commence... » et de la finir par « L'hiver serait long, il ne faisait que commencer.»...

mardi 4 février 2014

Exercice d'écriture #5 : Un grain de blé mal luné...

Voilà ce qu'il se passe lorsqu'on me demande en atelier d'écriture de raconter la vie d'un grain de blé...


Je n'ai rien demandé à personne ! Il faut avoir un grain pour faire cela. Me semer sur ce sol inconnu, même pas déblayé, au milieu de nulle part, une idée de blaireau. On m'a arraché à ma famille recomposée, alors que je n'ai même pas connu mon 821è cousin. Cela dit, j'en veux encore à mon 643è frère qui a osé se marier avec une transgénique, quelle honte. Ce n'est pas avec elle qu'elle va faire des béblés.

Il avait l'air fin en plus cet homme dans son costume blanc et son casque, à me lâcher là, au hasard, sans même cibler. D'ailleurs, je ne sais pas pourquoi mais je suis tombé au ralenti, pendant un temps je me disais que je devais être le grain de blé le plus lent du Monde. J'ai finalement atterri ici, avant que l'on me recouvre de cette matière sur laquelle jamais la main du blé n'y a mis le pied. Un petit pas pour le blé, un grand pas pour l'agriculture ? Allez savoir...

J'aurais dû grandir, comme tout petit grain de blé sage qui se respecte. Mais je devais être une mauvaise graine car je n'ai jamais réussi à pousser. Il faut dire qu'il n'a pas plu une seule fois depuis que l'on m'a semé. Pas plus de soleil d'ailleurs, il a toujours fait très froid. M'aurait-on emprisonné ? Qu'ai-je fait de mal ? Je ne suis peut-être pas un blé chantant comme mon oncle Bléthoven, je ne suis pas une graine de génie, mais je ne méritais pas cela !

Résultat, ma croissance a stagné, comme dans ce monde où faute de blé, la croissance est absente. Personne n'est venu me récupérer. Je me sentais partir, j'étais de plus en plus fatigué. Quelle triste fin de vie... Moralité, vaut mieux être un homme bien luné, avec un grain et beaucoup de blé sur Terre, qu'un grain de blé enterré par un homme dans la Lune ! 


dimanche 15 décembre 2013

Exercice d'écriture #4 : Dialogue à pied d'oeuvre

Au cours d'une visite du musée des Arts modernes à Strasbourg, il nous a été demandé de faire dialoguer deux détails de deux œuvres présentes en ces lieux. Voilà ce que cela donne quand une boulette d'aluminium coincées sous des dizaines de lettres et une guitare démolie parmi d'autres essaie d'engager une conversation à travers leurs blocs de verre.
"Bonjour, vous ne me connaissez sans doute pas mais nous habitons au même étage depuis quelques mois. Je m'appelle Martial Uminium. A l'origine je n'étais qu'une longue feuille d'aluminium. Si vous ne voyez pas, je suis en général doué pour emballer n'importe qui. Je peux me plier en quatre et plus pour les autres, même si cela me déchire toujours au premier coup.

Quoiqu'il en soit un jour, un de mes propriétaires a eu une idée saugrenue. Une idée qui m'a mis en boule dans les deux sens du terme : désormais je cohabite dans une caisse en verre avec une dizaine de Bertrand Velope et leurs multiples géniteurs papa piers. Je suis certes toujours au chaud, mais j'étouffe quelque peu. En général c'est moi qui enveloppe. Or là je suis caché sous tous ces Velope, et comme ils n'ont aucune adresse ils se sont écroulés sur moi. Résultat, quand les gens passent devant la boite, ils ne me distinguent pas. Ne trouvez-vous pas aussi cette situation stupide ?"


"Bonjour Monsieur Uminium. Je m'appelle Guy Tare. Je comprends votre désarroi, regardez-nous : nous étions une flopée de Guy Tare heureux, on était toujours d'accord, on avait plus d'une corde à notre arc, et nous ne restions pas de marbre. Nous touchions du bois pour que cela dure. Hélas, nous avions parfois des propriétaires... turbulents. Vous n'imaginez pas, les humains parlent souvent de certains génocides ici et là parmi eux, mais se rendent-ils compte que la communauté des rockers ont proprement massacré notre famille ? On n'en parle pas assez.

Alors maintenant nous sommes exposés ici en face de vous. Les cordes ne peuvent même pas se pendre elles-mêmes, une a sauté, donc je ne dirais pas que notre moral ne tient qu'à un fil mais on n'en est pas loin. On est certes rassemblés ensemble mais plus personne ne peut jouer avec nous. Si certains d'entre nous sont sur le devant de la scène, d'autres restent en coulisses, sans trombone et connaissent votre triste sort. Ils ne peuvent pas voir l'envers du décor tout en n'étant pas à l'endroit.

Sur ce, il est tard, et nous avons beau être des Guy nous n'avons pas le luxe d'être confortablement installés, donc nous allons essayer de nous reposer et pas sur nos acquis".

mercredi 11 décembre 2013

Brouillard persistant



Je ne comprend pas.
Où suis-je ?
Que fais-je ?
Je ne suis pas.
 
Je marche à l'aveuglette.
Dans le brouillard
Par hasard
Sans pensée nette.
 
Saurais-je à nouveau.
Ce qu'il me faut
Je ne sais pas
Je ne sais plus
Quelque peu perdu.
Ici et là.

Compliqué
A expliquer
Difficultés
A qualifier
Corsé
A clarifier

Gros coup de mou
Dépassé par tout
Flottant dans le flou
Un peu partout
 
Pas de phrases censées
Pas de mots précis
Pas d'idées à placer
Maintenant et ici
Pas de réelles sensations
Pas de grosse tension
Dans ma chair
Dans ma Terre
 
Qu'est-ce qui se passe ?
Je ne comprend pas
Je cherche à dépasser ça
Je veux sortir de la masse
Je souhaite me démarquer
Je peux me faire remarquer
Je voudrais m'en sortir.
Je dois réussir
 
Dans ces moments
Évidemment troublants
Cherchons ce qui nous fait.
Qui nous rend différents
Qui ne nous rend pas parfait.
Mais nous fait exister

 P.S : Cela ne reflète pas forcément mon état d'esprit actuel, mais ce fut le cas plus d'une fois. Comme pour tout le monde je pense.